C'est un mythe, un leurre contemporain que la pure transparence à soi et aux autres. Il nous faut apprendre à supporter notre opacité et notre finitude: grandir en maturité, c'est cela. On pleurait beaucoup au Moyen Âge. Or les larmes vont se tarir avec la modernité. Pourquoi? Parce que notre modernité a pour moteur la maîtrise. On imagine que parce qu'on voit on sait, et que parce qu'on sait on peut. Eh bien, non! Les larmes sont un liquide qui trouble le regard. Mais on voit à travers elles des choses qu'on ne verrait pas dans une pure vision de surface. Les larmes disent qu'il y a en nous du flou, de l'opaque, du déformé en un mot, de l'humain, mais qu'il y a aussi en nous plus grand que nous. Comment distinguer les « vraies » larmes des « larmes de crocodile »? Une petite fille répondait un jour à sa mère qui lui demandait pourquoi elle pleurait: « Quand je pleure, je t'aime mieux ». Jesus pleure sur jerusalem.cef.fr. Les vraies larmes, ce serait celles qui aident à mieux aimer, celles qui se donnent sans avoir été cherchées.
Chaque larme d'un fils d'homme est larme du Fils de Dieu. Jesus pleure sur jérusalem. Ce qu'Emmanuel Levinas avait pressenti et exprimé dans cette formule fulgurante: « Aucune larme ne doit se perdre, aucune mort se passer de résurrection ». C'est dans cette découverte radicale que s'insère la tradition spirituelle qui va développer le don des larmes: si Dieu Lui-même pleure, c'est que les larmes sont un chemin vers Lui, un lieu où Le rencontrer puisqu'Il s'y tient, une réponse à sa présence. Aussi seraient-elles plus à accueillir qu'à penser, comme on accueille un ami ou le cadeau d'un ami.
785cq.vip, 2024